Comme l’affaire de François Beya, un autre proche du Président de la République, ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui l’affaire Bifor, telle que révélée par le dernier article de Jeune Afrique, relève des mêmes méthodes, mêmes accusations, même affabulations, mêmes contradictions de la part des services de sécurité du pays.
A en croire Jeune Afrique, l’ancien conseiller privé serait même poursuivi pour des échanges téléphoniques avec des responsables rwandais, alors que même le Président savait, avant même sa nomination, qu’il avait des connections à Kigali.
En quoi les échanges téléphoniques peuvent-ils contribuer à attenter à la sûreté intérieure de l’État ? Trop léger et faible comme accusation, que nous nous efforçons d’analyser, dans les lignes qui suivent, une à une.
L’affaire Biselele est l’une des affaires révélatrices de l’instrumentalisation à outrance de la justice aux fins de règlement de compte politique ; pratique qui a élu domicile ce dernier temps en RDC et qui remet en cause les principes élémentaires de l’Etat de droit proclamé par l’article 1er de la Constitution.
Dans les lignes qui suivent, il sera démontré le caractère fondamentalement arbitraire de l’arrestation de Monsieur Fortunat Biselele, et la nullité et la fausseté des infractions mises à sa charge par les services qui, en réalité, les ont montées de toutes pièces. Il s’agit d’une abomination judiciaire qui heurte le bon sens le plus élémentaire.
Une arrestation et détention arbitraires sur fond de règlement de compte politique
L’arrestation et la détention, en tout cas arbitraires car opérées dans le mépris total des lois de la République et des instruments juridiques internationaux de protection des droits de l’homme, ont été faites sur base d’un tract portant mention « de note d’OPJ ».
Cette fameuse note n’indique ni les noms et qualités de celui qui l’a rédigé ni encore moins le lieu de son établissement ; ce qui conduit à s’interroger sur sa valeur juridique. Tout juriste sérieux sait que l’article 126 de l’ordonnance N° 78-289 du 03 juillet 1978 relative à l’exercice des attributions des officiers et agents de police judiciaire près les juridictions de droit commun, impose aux officiers de police judiciaire d’énoncer leurs noms, post-noms,
leur fonction principale ainsi que leur qualité d’officiers de police judiciaire en tête de tous les procès-verbaux qu’ils établissent en matière de police judiciaire et d’indiquer en outre, le lieu où ils instrumentent, leur numéro d’identification et l’étendue de leur compétence matérielle.
Le tract sur base duquel Monsieur Biselele a été arrêté et poursuivi ne comporte aucune de ces mentions exigées par la loi. Pire, ce tract n’a pas été établi en présence du précité ni encore celle de ses avocats.
B. Un dossier politique d’apparence judiciaire
La lecture de cette fameuse note d’OPJ laisse apparaitre sans un effort que l’affaire Biselele est un dossier éminemment politique, et non judiciaire. Il s’agit d’une âpre lutte d’influence au sein des cercles qui se disputent le contrôle du pouvoir, d’un violent règlement des comptes entre factions rivales et au final, d’un abus excessif de position par le chef de l’ANR qui veut à tout prix s’imposer comme seul bouclier et «homme sûr» du régime.
De cette fameuse note, il se révèle que le dossier Biselele a également des relents tribaux, claniques et régionaux dans la mesure où depuis le début de la purge dans le camp Tshisekedi, seuls les ressortissants d’une province bien précise, en l’occurrence le Kasaï Central, sont visés par ces représailles, alors que ceux du Kasaï Oriental, province d’origine du Président de la République, continuent à monter en puissance et à s’accaparer de tous les rouages politiques et sécuritaires au détriment des autres groupes.
Ces représailles ont commencé dès février 2022, avec l’arrestation de Monsieur François Beya Kasonga, alors conseiller spécial en matière de sécurité. Enlevé à son domicile et conduit à l’ANR, il y a été détenu pendant deux mois, avant d’être déféré devant la Haute cour militaire pour des faits pour les moins ridicules et amusants.
Originaire du Kasaï Central, Beya a eu la vie sauve grâce à une équipe de défense assez solide et outillée, qui a réussi à lui arracher une
liberté provisoire pour évacuation sanitaire à l’étranger. Après lui, Jacques Tshisekedi, jeune frère au Président, a intégré l’équipe de sécurité présidentielle, sans que personne ne voie venir la menace pour la suite.
C’est ainsi que par ordonnance présidentielle, les «bapemba» proches du chef ont tous été démis de leurs fonctions, en commençant par Monsieur Biselele, au lendemain de son interpellation par l’ANR et avant sa présentation à son juge naturel.
Un autre, Taupin Mukengeshayi, a été sauvé de justesse, et rétrogradé à un autre poste où il vit dans la peur d’une éventuelle arrestation. Curieusement, le « troisième proche », Jean Claude Kabongo, qui faisait équipe avec les deux premiers, n’a été ni inquiété ni interpellé. Il vit en liberté, entre Kinshasa et Brazzaville. Il est ressortissant du Kasaï Oriental.
Il en découle que l’arrestation et la détention de Biselele font partie d’une stratégie de règlement politique des comptes aux ressortissants du Kasaï Central. Il s’agit à ne point douter, sur la forme, de l’arbitraire sur un citoyen, que le rôle qu’il exerçait auprès du Président de la République autorisait à prendre toutes sortes de contact, et à en rendre compte.
Invité pour consultation et échange par le chef de l’ANR, il s’est vu placé en état d’arrestation, ses téléphones confisqués et lui-même obligé de les déverrouiller. Il s’est vu privé de son droit d’être assisté par son avocat.
Au regard de ce qui précède, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’arrestation et la détention de Monsieur Biselele sont faites en violation des articles 17, 18 et 19 de la Constitution et 9 et 10 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, 9 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et 6 et 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples.
Le refus des autorités de lui accorder la possibilité de se faire soigner est en contradiction flagrante avec les dispositions de l’article 18 de la Constitution qui dispose que tout détenu doit bénéficier d’un traitement qui préserve sa vie, sa santé physique et mentale ainsi que sa dignité.
Avez-vous aimé cet article ? Rejoignez directement notre groupe WhatsApp pour recevoir les informations en temps réel 👇👇